lundi 15 juin 2020

Du pain & du levain

J'ai galéré comme jamais pour réussir mon premier levain chef ... Alors le propos de cette publication est plutôt d'évoquer mes déboires et de tenter d'expliquer avec beaucoup d'humilité la manière de les surmonter, même si des années n'y suffiraient pas pour comprendre toutes les subtilités de cette matière vivante. 


Au bout de la quatrième tentative, alors que je regardais mon levain toutes les cinq minutes pour voir s'il allait faire des bulles, Constance me dit : "De toutes façons, ça ne sert à rien, il va crever !" Et ça n'a pas loupé, l'oiseau de mauvais augure a eu raison. Puis j'ai vu la vidéo du cuisinier rebelle et c'était la révolution dans le fournil, je n'étais plus dans le pétrin, ah, ah, ah !


C'est le premier qui préconise l'utilisation de farine blanche T65 et honnêtement même si le levain de seigle est sensé démarrer plus facilement, au moins, j'allais tester autre chose ... Parfois, il suffit d'un infime détail ou bien un début d'expérience, qui sait, pour réussir ?  


C'est le premier également à ma connaissance, qui conseille l'utilisation de vinaigre de vin pour démarrer le levain, l'idée m'a plue d'emblée. Le pain, c'est comme le vin au fond, il s'agit d'une question de fermentation ! 

Mettre un élastique pour constater l'évolution
J'avais un bon vinaigre de vin blanc de Bourgogne qui a fait l'affaire. Autrement, j'avais testé le miel seul, les raisins secs fermentés, avec du seigle uniquement ou un mélange de farine ... aucun résultat ! J'ai découvert aussi avec notre cuisinier rebelle que l'on pouvait congeler son levain si l'on s'absente (bon d'accord, ce n'était pas d'actualité au moment où je l'ai fait naître, à savoir durant le confinement). 

Levain jeune : bulles petites
Il va sans dire que je tombais sous le charme ! Sa vidéo est sans musique, on peut la regarder plusieurs fois, ça ne casse pas les oreilles, l'ambiance est sereine. Mais l'essentiel évidemment est que sa recette marche et je n'y croyais plus ! Il préconise aussi de laisser son levain au placard plutôt que sur le plan de travail. Le placard certes mais avec une légère ouverture car le levain a besoin d'oxygène. Outre la diminution des variations de température,  quand vous avez un Cher & Tendre qui ne cesse de tout asperger de glassex, cela ne doit pas y être pour rien dans mes échecs répétés ...  Une ambiance saine mais surtout pas aseptisée ! 



Lors des quatre précédentes tentatives, le levain bullait fortement une seule fois puis retombait à tout jamais, donnant juste l'illusion de la victoire avant un dernier souffle. Rien de plus agaçant, voire humiliant, on y met tant d'espoir ! J'ai enfin compris avec lui, que lorsque le levain gonfle énormément, il faut le rafraîchir rapidement (du moins au départ) car ayant dépensé beaucoup d'énergie, la colonie de bactéries a besoin d'un coup de fouet. 


1er pain correct
Finalement, il a tout de même fallu avoir recours au seigle pour muscler un peu la bête, dès lors que le levain a commencé à tenir bon. Mon levain à base de farine blanche bio T65 a commencé à buller au bout de 8 jours tout de même, donc la seule chose à retenir ici est que la patience entraîne la récompense, qu'il vaut mieux démarrer lentement mais sûrement, ne pas se décourager... Ne pas hésiter à se tourner vers les blogs le goût & l'odeur ainsi que  ni cru ni cuit qui expliquent  de manière scientifique tout le processus, sans parler de la star du levain liquide, Eric Kayser.


En ce qui concerne l'eau, je prenais de l'eau de source au départ mais désormais, mon levain est costaud et je me contente d'eau du robinet décantée durant 24 h pour laisser évaporer le chlore. Quant à la farine, j'utilise un mélange de seigle semi-complet et de farine blanche. 


Inutile de préciser qu'avec tous les rafraîchis réalisés, j'ai dû écarter pas mal de levain inactif, que j'ai conservé dans un bocal au frais, avant de l'employer dans les crumpets et diverses galettes de sarrasin ... 


Une fois le levain bien parti, il a fallu l'employer au bon moment, et là non plus, ça n'a pas été une mince affaire ! J'avais compris au départ, qu'il fallait 2 rafraîchis successifs pour que le levain soit ultra actif mais je déconseille de lancer le levain tout-point aussitôt après un rafraîchi poussé au maximum comme je l'avais lu ici ou là : mon pain ne s'était pas développé convenablement, ça s'est terminé en chapelure, j'en ai pour un bon bout de temps ! 



Puis j'ai rafraîchi la totalité du levain chef la veille à hauteur de 100 % avant de me coucher et le lendemain, d'en extraire la quantité nécessaire au pain, pour procéder au second rafraîchissement à hauteur de 100 %. 


2ème fournée encourageante
- Exemple : si j'ai besoin de 200 g de levain tout-point, je vais prélever 100 g de levain chef rafraîchi la veille au soir et lui ajouter le lendemain matin 50 g d'eau et 50 g de farine. 



Commencer par l'eau, bien fouetter pour aérer puis ajouter la farine.
Petites précisions, il faut ajouter quelques grammes supplémentaires car il y a une perte de gaz lors de la fermentation. 
 
3ème fournée : le pain est à mon goût, la mie est légère et alvéolée

- Comment distinguer un levain poussé au maximum avant qu'il ne retombe ? La surface est plate, on aperçoit des bulles alors que la surface est bombée tant qu'il n'est pas parvenu au maximum. Pour bien mesurer l'activité du levain, utiliser un verre doseur afin de l'utiliser chaque fois au même stade de développement. C'est un bon indicateur. 


De 250, mon levain est monté jusqu'à 650
S'agissant des ingrédients, pour 2 miches de 500 g à peu près, j'ai besoin de :
- 550 g de farine T65 
- 50 g de farine de seigle semi-complète
- 300 à 350 g d'eau de coulage + 40 à 50 g d'eau de bassinage 
- 200 g de levain
- 15 g de sel

Ou bien pour 900 g de farine (3 miches)
- 525 g de farine (pour l'autolyse) + 375 g pour le pétrissage
- 300 g de levain 
- 500 à 525 g d'eau de coulage + 50 à 70 g d'eau de bassinage
- 20 g de sel

Si l'on veut de gros trous dans la mie, beaucoup de légèreté, on met beaucoup d'eau mais alors le pain sera moins haut et plus aplati, peu importe !


4ème fournée, grosses alvéoles, mie élastique
Tout d'abord, la phase de l'autolyse consiste juste à amalgamer sans insister la totalité de l'eau de coulage à température avec autant de farine puis observer un temps de repos d'1 heure maximum à température ambiante. On prévoit donc cette manipulation avant que le levain ne soit à son maximum de pousse. Le mien met 4 heures environ, donc prévoir l'autolyse 3 heures après le dernier rafraîchi. L'autolyse permet de diminuer la durée du pétrissage, améliore la ténacité de la pâte en activant le réseau glutineux,  donne un peu plus de volume au pain avec une mie très aérée. L'autolyse exerce donc une incidence sur la texture de la mie. 



Ajouter ensuite le levain et le sel puis procéder au pétrissage, doucement, durant 5 min.  Puis procéder au bassinage en ajoutant la quantité d'eau restante bien fraîche en revanche, en 2 ou 3 fois, pendant 2 minutes en tout  (la température de la pâte doit afficher 22° en fin de pétrissage).

Le pointage commence. Attraper la pâte avec la main mouillée et la tirer vers le haut sans la déchirer avant de la rabattre pour emprisonner l'air. Recommencer ce geste 6 fois en tout en tournant la cuve pour que toute la pâte soit bien aérée. Renouveler les plis toutes les 45 min pendant 3 heures, soit 4 fois. 

On arrive au boulage : mettre très peu de farine sur le plan de travail, cela nuit à la mie, j'utilise plutôt de la semoule extra fine, ça colle moins et je me sers d'une corne. Diviser et bouler en agissant très délicatement pour ne pas que le gaz s'échappe.  Deux pâtons sont plus faciles à manipuler qu'un gros.   



Pratiquer un façonnage léger, lui donner sa forme définitive en rabattant un bord de la pâte aplatie vers le centre pour le souder du bout des doigts, et ainsi de suite sur tout le pourtour. La pâte est retournée, la « clef » au-dessous. Des deux mains, on lui donne la forme d’une demi-sphère. On retourne les pâtons dans des bannetons improvisés : corbeilles en osier (l'air doit circuler) garnies de lin bien fariné. 


Apprêt long au frigo durant 16 à 24 h. Pour la cuisson, je ne souhaitais pas utiliser la cocotte comme souvent préconisée, pour plusieurs raisons. D'abord parce que la mienne est ovale et que les miches rondes sont plus jolies, ensuite parce que je préfère la croûte à la mie et que deux miches moyennes me convenaient mieux qu'une grosse mais je souhaitais surtout utiliser ma pierre réfractaire. Les pains sont saisis au contact de la dalle brûlante et poussent mieux. 

Technique de la planche effectuée pour une fougasse
Pour faciliter les choses, aussitôt après la sortie du froid, je retourne les boules sur une planche en bois farinée. C'est plus facile et rapide ensuite de les glisser au four. Juste avant d'enfourner, procéder au lamage, en incisant la pâte, comme on veut, avec une lame de rasoir. Vaporiser d'eau puis glisser à l'aide de la planche, la boule sur la  pierre réfractaire posée sur une grille dans le bas du four. Procéder très rapidement de la même façon avec l'autre boule pour éviter de refroidir le four. Cuisson  durant 20 min à 250° chaleur statique puis 25 min à 220° chaleur ventilée. 


Ressuage : placer les pains sur une grille au moins 1 h avant la découpe. Conserver le pain dans un torchon au frais.

16 commentaires:

  1. coucou bravo pour ton levain, je t'avoue que ça m'inquiète de le réaliser, je le mets de côté et je vais lire ton expérience, peut être que ça va me motiver, bisous

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    1. Tu ne prends aucun risque, ce n'est qu'un peu de farine et d'eau ... En revanche, après ça change carrément tout !

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  2. Faire mon propre levain est vraiment quelque chose que je dois faire depuis un moment et je n'y pense jamais au bon moment, mais "construire" soit même son pain ainsi ça doit être gratifiant :) Très belle réalisation dans tous les cas...

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  3. J'en ai fait un il y a quelques années, que j'ai gardé plusieurs semaines. Et puis j'ai fini par le laisser mourir faute de temps pour faire tous ces rafraîchis et le pain qui va avec... Quand on travaille, c'est compliqué de respecter les temps de levée...

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  4. Merci pour ton retour d'expérience et ta pugnacité. En cuisine, parfois, tu as raison, on ne peut pas rester sur un échec et on finit par réussir. Ce n'est qu'en essayant continuellement qu'on finit par réussir ^^. Je saurais où venir quand je voudrais m'y mettre :)

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  5. Bravo pour ta persévérance mais qd même ça a l'air technique 😉 et il faut du temps
    Je vais le relire tranquillement, que d'infos ! Merci du partage

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  6. Bravo Isabelle pour cette belle réussite.
    Je fais du pain avec un levain qui m'a été donné en 2015 et que je chéris, entretiens, fais vivre. Depuis plusieurs mois, je ne fais plus guère de pain et le levain attend patiemment au réfrigérateur que je le réveille et le sollicite.
    Dans la pratique, une fois que le levain est bien démarré, cela devient simple. En te lisant, je vois que je ne procède pas dans les règles de l'art. Néanmoins, le plus souvent, j'obtiens un pain beau et délicieux. J'accorde beaucoup d'importance à la farine qui, si elle est fraîchement moulue, donne un meilleur résultat, selon l'expérience que j'ai.
    Avoir un levain bien vivant est source de grande joie. C'est une substance qui me donne la sensation de capter les forces de vie qui animent toute chose...
    Bravo encore.

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    1. Entièrement d'accord avec toi chère Marie-Odile !

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  7. Bravo ils sont superbes moi je me suis pas lancé encore dans le levain
    Bonne journée
    Bisous

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  8. Et bien et bien.., reçois tous mes respects pour cet article supra détaillé..!! Je n’ai pas eu ton courage..!!
    Comme toi j’ai eu beaucoup de « décès » de levains.., ce qui m’avait pas mal refroidie à l’époque où je m’étais lancée.., c’était il y a 10 ans quelque chose comme ça.. comme toi j’ai persévéré.. et puis il y a 2 ans et demi on m’a offert une souche faite à partir d’eau fermentée avec des pommes normandes.., ce levain offre un goût juste sublime.., au début j’avais plusieurs pots de levain à des degrés de maturité différents.., et puis j’ai fini par tous les regrouper pour avoir un super levain unique et en pleine forme.. et j’en offre quand les opportunités se présentent.., ça fait gagner du temps aux bénéficiaires..!! ;)
    Encore respects.., et bravo.. ton pain a l’air vraiment délicieux..!!

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  9. Merci de votre article et du lien de cuisinier rebelle que je découvre. J'avais une recette fait avec un jus de pomme fermenté (blec g -YouTube ) Simple et qui a toujours fonctionné mais celle de cuisinier rebelle me plaît et je vais l'essayer. Je suis également ni cru ni cuit qui a LA recette de brioche. J'ai de la chance mes levain prennent quasiment toujours.

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  10. Perso j'ai eu de la chance avec mon levain liquide de Kayser qui a été viable dès le 1er essai mais j'admets qu'ensuite, bah c'est l'expérience qui nous souffle les petites astuces personnelles au fur-et-à-mesure des échecs. Donc tout comme toi, mon levain n'est pas à 100% au seigle, je trouve aussi que la T65 le booste bien.
    Tes pains sont magnifiques avec leur belle mie joliment alvéolée et surtout la croûte colorée, bravo !!!

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  11. Tout comme Viviane, j'ai eu de la chance dès mon premier essai, mon levain a bien pris. En revanche j'ai pas mal tatonné pour trouver le bon moment pour l'utiliser, j'ai eu quelques ratages, car malgré tout ce que l'on peut lire, c'est l'expérience qui finalement fait la différence. Bravo Isabelle, tes pains sont superbes !

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